Soixante dix ans après la mort d’Adolf Hitler, son unique ouvrage va tomber dans le domaine public. A partir du 1er janvier 2016, le Land de Bavière qui détenait les droits de “Mein Kampf” depuis la mort de son auteur, ne pourra plus s’opposer à d’éventuelles traductions et rééditions.

Alors que certains s’inquiètent déjà de le voir servir d’étendard à tous les “attrophiés du buble”, je me pose certaines questions plus profondes concernant ce livre, dont nous avons tous lu des extraits à l’école, sans jamais pouvoir les rélier à un tout. Pour être honnête, j’ai toujours trouvé ça injuste. Pour une personne comme moi, amoureuse de lecture autant que d’écriture, me faire lire un extrait sans pouvoir lire le début ou la suite, était un vrai supplice**.

Attention! Cela ne veut pas dire que je suis d’accord avec les passages que j’ai lu, bien au contraire. Si je prends en exemple le dernier bouquin d’Eric Zemmour, que j’ai lu avec une grande attention, malgré le peu d’intérêt que m’inspire cet homme, je n’aurai jamais imaginé l’ampleur de sa débilité si je n’avais pu lire que quelques extraits bien choisis de son livre.

Je suis une grande idéaliste. Le genre qui écoute “Imagine” de Lennon, en imaginant (justement), que cette chanson ne soit pas qu’une utopie. J’imagine que certaines personnes pour lesquelles le rejet des autres, pour leur differences éthniques, est un lot quotidien, ouvriront grands leurs yeux, un matin, en se disant que tout ce temps passé à haïr ce qu’on ne peut pas comprendre, parce qu’on ne s’en approche jamais, est du temps perdu.

Lorsque j’ai appris que “Mein Kampf” tomberait, enfin, dans le domaine public, je me suis demandé, si certains n’avaient pas besoin de la violence des mots pour imprimer la mémoire de l’histoire dans leur mémoire.

Peut-être ont-ils besoin de savoir, jusqu’où un homme est capable d’aller s’il n’est guidé que par sa haine?

Peut-être que les millions de victimes ne sont qu’une idée impalpable pour eux et qu’ils doivent se confronter au bourreau, pour comprendre la souffrance infligée à ces gens pour avoir été differents?

Peut-être qu’ils doivent entrer dans la tête d’Adolf Hitler, pour se rendre compte de son idiotie diabolique?

Oui, en 2016, il y a encore des gens qui ne savent pas que la difference est une richesse. Des gens qui n’ont jamais eu d’amis d’une autre culture, qui n’ont j’amais gouté le mafé préparé par la mère de leur ami, qui pensent que Marine LePen sera, un jour, présidente, qui croient que les noirs, les juifs, les arabes, les asiatiques…sont inférieurs à eux sous pretexte d’une suprematie de la “race blanche”, qui regardent “Mississipi Burning” en étant du côté du Klu Klux Klan…

Il y en a encore, et je pense que parmis eux, il existe encore des gens que l’on peut sauver, des gens qui ont besoin de l’électrochoc d’une lecture haineuse, vide de sens et dépassée pour prendre conscience…
N’est-il pas finalement, pour certains, une idée du mal, comme le serait Satan, sans être une réalité?

J’ai toujours été et serai toujours, persuadée que l’éducation peut nous sauver de cette ignorance qui gangreine notre monde. Je ne peux que me réjouïr de l’accessibilité prochaine de ce dont on m’a parlé sans que je ne puisse jamais m’y confronter.

Qu’y a-t-il de plus absurde, que croire sur parole, lorsqu’on parle de “Mein Kampf”? Pourquoi devrions nous garder cette espèce de vague idée de ce qu’est ce livre? N’est ce pas ce qui a contribué, à faire d’Hitler, une sorte de “méchant” romancé, avec la conviction, mais pas la certitude, de ce qu’il a écrit?

Enlevons ce halo impénétrable autour de “Mein Kampf” afin que les gens qui n’ont pas encore compris, comprennent ce qu’était cet homme: un petit homme faible, qui a préféré blâmer les autres pour toutes ces choses qu’il n’avait pas pu accomplir, qui a communiqué sa haine en se servant de la détresse des autres et qui n’était, finalement, ni un fou, ni un démon mais un homme…

Si un seul homme peut inspirer au monde tant de haine, imaginez ce que des centaines de coeurs plein d’amour et d’espoir peuvent faire à notre monde.

On ne peut pas faire plus cliché, mais en cette nouvelle année, j’ai envie d’espérer et comme dirait l’autre: “Vous allez vous aimer les uns les autres, bordel de merde!”.

Bonne année 2016!

Bien à vous,

Madame Chounette.

** Je sais, bien sûr, que “Mein Kampf” est accessible sur le net mais mon amour de la lecture englobe l’amour des livres papiers.